J'étais, pas plus tard qu'hier soir plongée dans la pénombre de ma chambrée, éclairée par la seule petite lampe de la pièce, je lisais luttant contre le sommeil de cette fin de soirée, « La Malerune » de Pierre Grimbert, que je me suis procuré chez mon libraire préféré la veille.
Mon esprit fut soudain émerveillé par la beauté subtile d'un texte. Le relisant une deuxième fois pour mieux m'en imprégner, j'ai simplement décidé de le faire partager :
« Mon jeune apprenti suivait les évolutions de ma main avec une curiosité évidente. J'exagérais volontairement le geste et déployais toutes les ressources de mon talent en traçant courbes, lignes et déliés sur le parchemins encore empreint d'odeurs forestières. Lifer devait constater à quels sommets études et patience pouvaient le porter ... La magie est comme tout art, et la passion seule n'y suffit pas : elle ne fait que justifier la peine.
Ayant achevé mon oeuvre, je lui tendis avec orgueil afin qu'il la commente. Il en caressa le tracé pendant quelques minutes silencieusement, s'imprégnant de la puissance du symbole tout en prenant garde de ne déclencher accidentellement son pouvoir.
-Maître ... demanda t il soudain. Comment ... Comment les runes peuvent elles accomplir de tels prodiges ? D'où vient donc leur magie ?
Je succombai à un rire sincère, mais fort déplacé en cette situation. Lifer guettait gravement ma réponse sans oser mot dire. Aussi n'attendis je pas d'avoir repris contenance pour le satisfaire ...
-Tu commences à peine à apprendre que tu voudrais déjà savoir le plus difficile, lançai-je entre deux hoquets, en me penchant vers son petit visage. Retiens seulement ceci: La Magie, c'est L'Ecriture »
Extrait de l'Alphabet des Parangons
"La Malerune" Pierre Grimbert (éd. points)